Projet documentaire
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10 May 2023
Les Cendres des Russes blancs
Chez ma grand-mère, à la frontière allemande, sur le meuble télé en teck trônent depuis toujours des matriochkas. Cinq poupées russes en robe prune et noire, ponctuée par de petites fleurs vertes. Mes soeurs et moi nous amusions à les emboîter et déboîter à chaque vacances passées dans la maison en Moselle. Nous jouions avec comme avec des Playmobils. Dans la bibliothèque, un crayon en bois d'un mètre, taillé et orné de gravures colorées russes nous a toujours intriguées. Un vitrail orthodoxe sombre, la Vierge dans un habit noir, surveille la chambre, accroché au-dessus de la porte. Mon deuxième prénom, Vera, sans accent. Ma mère tenait à me transmettre le prénom de sa grand-mère, Vera Baïkov. Depuis 21 ans, les symboles m'ont toujours entourée. Je les ai touchés, ils m'ont interrogée et interpellée, et pourtant je me suis toujours contentée d'un "tes arrières-grands-parents venaient de Russie". Je n'en ai jamais su plus et je n'ai jamais demandé non plus. Ce qu'il reste à ma famille de la Russie est conservé dans une malle, qui maintenant se trouve dans le grenier d'une maison aux États-Unis. Forçant les membres de la famille à creuser dans leur mémoire, je fais ressortir des souvenirs enfouis dont on n'a jamais voulu parler et qu'on a décidé d'oublier. Mais derrière mon téléphone, j'entends le sourire et la hâte des enfants de Vera Baïkov et Vania Eline à leur évocation. En remontant l'histoire de Vera, c'est aussi la mienne que j'entreprends de connaître. Camille Vera Tribout.